Qu’est-ce que la gamification ou ludification ?

​La gamification, ou ludification, remonte aux débuts des années 2000. C’est notamment au sein des musées, aux Etats-Unis, que le concept émerge avec l’objectif de diversifier les publics. La gamification permet alors d’améliorer l’implication des visiteurs en utilisant des mécanismes et codes du jeu vidéo en dehors de son contexte habituel. 

Selon Sebastian Deterding, il s’agit de “l’utilisation d’éléments de game design dans des environnements non ludiques”. Des systèmes de score, de niveaux, etc. vont alors être ajoutés à des contextes à l’origine non ludiques. Une autre définition s’appuie, au-delà de se concentrer sur la forme factuelle, sur l’aspect psychologique de la gamification. Ce qui amène aux notions d’engagement et d’implication. En effet, la ludification a d’abord été appliquée dans des domaines marketing et des contextes sociétaux. La question y était alors de fidéliser les clients et c’est devenu un outil d’engagement puissant. Petromil Petkov décrit alors la gamification comme “une technique de persuasion qui tente d’influencer le comportement de l’utilisateur en activant les motivations individuelles grâce à des éléments de game design”. 

Les principaux éléments de gamification (systèmes de points, classements, quêtes) peuvent être classés de différentes façons. Pour Julita Vassileva, il existe cinq catégories. Les systèmes de points, jetons ou badges permettent de motiver le joueur tout au long de son parcours. Les réalisations représentent une récompense physique ou virtuelle. Les quêtes ou les défis compétitifs sont parfois utilisés, par exemple en utilisant une contrainte de temps. Le statut d’un utilisateur sert à signifier aux autres son classement ou son niveau. En effet, certaines expériences gamifiées utilisent le multi joueur pour créer un environnement compétitif. À l’inverse, l’esprit communautaire peut aussi permettre aux utilisateurs de collaborer entre eux. Selon les profils des utilisateurs, ces deux points peuvent être engageants ou à l’inverse démotivants.  

Cela amène à un autre aspect important de la gamification : les profils joueurs. En effet, certains spécialistes estiment qu’il existe dans la ludification les mêmes types d’utilisateurs que dans les jeux vidéo. Certains seront alors plus intéressés par l’aspect social et collaboratif tandis que d’autres vont préférer la performance et la compétition. Il est donc important de prendre en compte pendant la conception le type de personnes ciblées et éventuellement leur profil de joueur. 

Les domaines d’application de la gamification sont variés. On la retrouve notamment dans des milieux éducatifs ou encore dans la recherche scientifique. En 2008, fold.it permettait aux utilisateurs de déplier des protéines liées aux recherches de scientifique sur le HIV. La finalité était donc de servir à un objectif scientifique précis qui n’appartient pas au domaine du jeu. Cependant, grâce à la gamification, les utilisateurs de fold.it se sont impliqués dans leurs tâches jusqu’à l’atteinte de l’objectif.  

La ludification est aussi beaucoup utilisée dans l’enseignement et l’apprentissage. Plusieurs études ont en effet montré ses effets positifs dans ces domaines. Cela permet de motiver les participants à faire des tâches peu motivantes et/ou répétitives comme par exemple des exercices de mémorisation. Cela peut aussi permettre de motiver des publics plus jeunes à s’intéresser à des thématiques qui ne sont pas forcément attrayantes notamment dans les domaines de la culture. C’est par exemple le cas du Rijksmuseum à Amsterdam qui propose un escape game, In the Shadow of Rembrandt, au sein de son institution. L’expérience, qui est destinée aux enfants comme aux adultes, a pour trame narrative la recherche d’indices dans tout le musée pour retrouver une formule secrète. Les visiteurs se promènent alors à travers les collections pour trouver ces indices et découvrent les œuvres d’art de façon ludique.  

Cependant, il faut faire attention à plusieurs aspects dans la gamification. L’engagement, le plaisir et l’envie sont des facteurs qui motivent les utilisateurs mais il existe des risques de perdre cette implication. En effet, il ne suffit pas simplement d’incorporer des éléments de jeu pour que cela fonctionne. La gamification doit être pensée et conçue comme faisant partie d’un ensemble et non pas comme quelque chose qu’on viendrait apposer en plus. 

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Tous les textes des carnets de recherche sont publiés par le blog du laboratoire De Visu sur le site hypothèses : Open édition en sciences humaines et sociales.